23/01/2021
Pour revenir un instant à la notion de désirs et de leur suspension, je dirai qu’une certaine austérité, voire de la frustration, peut apparaître dans les sagesses qui traitent les désirs comme des « empêcheurs » d’accès à notre véritable nature. Mais les désirs peuvent prendre des formes multiples, certains semblent bien superflus et d’autres beaucoup plus essentiels. Cependant, il ne faut pas confondre désir, pulsion et besoin même si la nuance entre les uns et les autres est parfois ténue.
Un désir naît d’un manque qui, à condition qu’il soit satisfait, nous permettrait d’envisager un meilleur avenir. Dans « Le banquet », Platon nous dit : « Ce qu'on n'a pas, ce qu'on n'est pas, ce dont on manque, voilà l'objet du désir ». Le désir, selon Platon, est donc « manque ». Et, bien sûr, lorsque ce manque est comblé, le désir disparaît...jusqu’à l’apparition d’un nouveau manque.
Alors qu’un besoin désigne ce qui est nécessaire au fonctionnement d’un être vivant.
« Le propre d’un besoin, c’est qu’il a besoin d’être satisfait sinon notre intégrité physique ou psychologique est en danger. On pourrait dire que les besoins sont antérieurs aux désirs, qu’ils sont présents dès l’origine de la vie. »
J. Salomé
Désir ou besoin ? Je pense que la question mérite d’être posée, y compris au cours de nos propres pratiques.
Mais pour tous ceux qui sont troublés face à leurs propres désirs, je citerai, de mémoire, Swamy Prajnanpad qui disait à ces interlocuteurs de ne surtout pas refouler leurs désirs : « Tu veux cette grosse voiture ou ce bijou ? Eh bien achète-le ! ce n’est pas un problème. Saches seulement que son acquisition ne résoudra durablement aucune de tes problématiques ! »
23/01/2021
Comme promis, revenons sur le « non-attachement » parfois traduit par « lâcher prise ». C’est une idée que je trouve particulièrement galvaudée. En effet, il semble qu’elle se résume parfois à un conseil d’indifférence face à des évènements de notre vie qui pourtant nous affectent beaucoup...
Afin de dissiper ce malentendu, je me suis souvent servi de la signification classique bouddhique qui consiste à « accepter sans résignation, ni fatalisme ». Cela n’induit donc pas de passivité particulière, mais nous encourage à changer ce qui peut l'être mais également à accepter les choses à l’égard desquelles nous ne pouvons rien. Ce qui est, en soi, un sujet concomitant au yoga dont de nombreux gurus se sont emparés. C’est passionnant, eu égard à notre nature de mortel par exemple, dans notre approche de la souffrance, de la vieillesse et du deuil, entre autres.
Patanjali développe cette recommandation un peu différemment. Il nous dit dans les sutras 1.15 et 16 :
« Le non-attachement se produit lorsque nous n'avons ni désir ni soif pour les objets que nous pouvons percevoir et pour ceux dont nous avons entendus parler mais jamais expérimentés. »
« Quand il n'y a pas soif pour les gunas (substances du monde) en raison de la réalisation du Purusha (du vrai Soi), c'est le non-attachement suprême. »
Pour comprendre ces propos, je pense qu’il faut lire ces 2 sutras ensemble et, comme d’habitude, les interpréter au regard de nos vies contemporaines et occidentales. Car finalement, si Patanjali, nous propose de mettre fin à nos désirs, afin de calmer les agitations du mental (comme nous l’avons vu sur le 1er post) et donc de nous en libérer. Il nous dit surtout que, si cela se produit par la prise de conscience du véritable nous-mêmes (le fameux centre ou purusha), notre attrait pour les acquisitions de toute nature, disparaitra de lui-même. En effet, nous ne serons plus dupes face à nos désirs et l’importance qu’on leur prête, car aucun objet ne peut rivaliser à la découverte de notre propre richesse...tout y est déjà !
23/01/2021
La dernière fois, je vous parlais des « agitations ou perturbations du mental » mais également d’un « centre » immuable, en nous-mêmes, qui serait donc à découvrir par la pratique du Yoga.
Il s’agit d’un espace à révéler en quelque sorte, un « centre » déjà présent dès notre naissance. Cela procèderait donc plus du retrait que du rajout. Dans une société qui promeut le consumérisme comme une source d’épanouissement et où l’accumulation est un gage de réussite, préférer le moins au plus ne manque pas d’audace.
« La vie spirituelle ne consiste pas à faire quoique ce soit, mais à ne plus faire ce que nous avons fait toute notre vie. Ce n’est pas devenir quoique ce soit » Anubhavanand Ji
Cependant Patanjali nous dit dans les sutras 1.12, 13 et 14 :
« Les perturbations sont dissolues à travers la pratique et le non-attachement. »
« L’effort vers la calme et l’équilibre s’appelle la pratique. »
« Cette pratique doit être poursuivie avec assiduité pendant longtemps, sans interruption et avec dévotion. »
Nous reviendrons sur le « non attachement », mais je retiendrai ici la notion de pratique, et donc d’effort, développé par Patanjali. Finalement, se simplifier la vie...c’est compliqué ! Mais ne faut-il pas éplucher un fruit avant de le consommer ou débarrasser un chemin de ses branches et de ses feuilles mortes avant de pouvoir l’emprunter ? Eh bien, il en est de même pour accéder à la joie. Elle est en nous mais si bien cachée parfois, que cela nécessite de se retrousser les manches pour la retrouver. Patanjali nous propose donc de nous en occuper...en nous confiant la carte au trésor.
Je vous souhaite une bonne recherche en 2021 !
23/01/2021
C’est souvent la première question de celles et ceux qui rencontrent le yoga à travers une photo, un symbole, parfois un cours dans leur salle de gym. Car si les postures sont toujours plus acrobatiques sur les réseaux sociaux, les commentaires qui les entourent sont parfois un peu obscures. On nous parle de mudra, de méditation, d’impermanence...et si cela peut nous rappeler quelque chose, ce n’est jamais vraiment très limpide pour autant.
Bonne nouvelle, Patanjali nous dit tout, ou presque, dans 3 des 4 premiers aphorismes du texte fondateur « Le yoga consiste à diminuer puis à suspendre les agitations du mental » 1.2
Voilà, c’est dit ! Le but de la pratique est posé d’emblée. Nous sommes mentalement agités, ce n’est pas agréable et on nous propose donc une méthode afin d’y remédier. Qui ne serait pas intéressé par une telle perspective ?
Et puis, très clairement, le yoga n’est ni défini comme une méthode pour perdre du poids, ni pour avoir des fessiers de rêve. On ne nous parle même pas de souplesse ou de postures, mais on nous suggère de nous calmer.
Le bouddha historique, en Inde à une époque très proche de Patanjali introduit son propos en édictant 4 nobles vérités. Même s’il s’agit de courants de pensées différents, elles pourraient également introduire parfaitement la pratique du yoga :
• Il y a de la souffrance
• Il y a une cause à cette souffrance
• On peut faire cesser cette souffrance
• Il y a une voie pour y parvenir
Les causes, les effets et la méthode, Patanjali nous en parle au cours des 190 aphorismes de son texte.